Recensione della Cronica di Venexia detta di Enrico Dandolo

da Le Moyen Age Tome CXVII, 2011/1

Cronica di Venexia detta di Enrico Dandolo, Origini-1362, éd. Roberto Pesce, prés. Angela Caracciolo Aricô, Venise, Centro di Studi medievali e rinascimen-tali E.A. Cicogna, 2010; 1 vol. in-8°, liv-185 p. (Medioevo e Rinascimento, Testi, 2). ISBN: 9788896543061. Prix: € 35,00.

Dans le riche corpus des chroniques vénitiennes rédigées tout au long du Moyen Âge, la Cronica di Venexia traditionnellement attribuée à Enrico Dandolo occupe une place singulière. Première chronique vénitienne intégralement rédigée en langue vulgaire, la Cronica est de plus une œuvre à part entière, et non la traduction, ni la réélaboration d’un texte antérieur. Pour autant, la principale originalité de cette chronique réside dans la rupture qu’elle représente au sein de la tradition vénitienne. Car si le texte reste fidèle à la construction par année et par mois adoptée jusqu’alors par les chroniqueurs vénitiens, il ne se limite cependant pas à narrer les faits marquants de Thistoire de Venise, mais tente pour la première fois de les expliquer, de les commenter et d’en rechercher, le cas échéant, les motivations. On ne peut donc que se réjouir de l’édition critique d’une œuvre dont la portée fut par ailleurs notable, puisqu’elle inspira la plupart des chroniqueurs postérieurs et contribua de ce fait à fixer la vulgate historiographique de Venise, au point de donner naissance à l’une des cinq « familles » de chroniques vénitiennes. Or, si ces considérations soulignent tout l’intérêt de l’entreprise de l’É., elles en révèlent dans le même temps les difficultés, à commencer par celle qui consistait à individualiser, au sein de cette abondante «famille», le manuscrit à éditer. En ce sens, l’un des mérites de l’É. a sans doute été de choisir parmi les huit manuscrits de la Cronica celui qui semblait le plus proche du texte original (en l’occurrence, le Milan, Biblioteca Ambrosiana, ms. H85 inf.), les sept autres n’étant employés qu’à titre de confrontation pour corriger les éventuelles corruptions ou lacunes. Pour être critiquable d’un strict point de vue philologique, cette démarche ne s’avère pas moins efficace, dans la mesure où elle permet de conjurer le risque de déformer une tradition séculaire, patiemment élaborée par plusieurs générations de copistes.

Si l’on s’attache à la présentation de la Cronica, on saluera notamment la prudence de 1 É. dans l’identification de son auteur. La reconstruction attentive de la tradition manuscrite soulève en effet quelques doutes sur la paternité du texte, qui conduisent de fait l’É. à rejeter l’attribution traditionnelle à Enrico Dandolo (qui reposait jusqu alors sur l’interprétation, par A. Carile, d’un passage du manuscrit ambrosien, où 1 auteur se présentait comme io H., rendu par Carile par io H(enrigo) <Dandolo> alors que Pesce lit plutôt io N. et ce N serait en fait l’abréviation de Nomen) pour lui préférer celle d’un anonyme vénitien du XIVe siècle.

Cette incertitude n enlève cependant rien à l’intérêt du texte proprement dit, dont 1 apport s avère souvent déterminant. Car par-delà l’usage fréquent de documents ^es institutions publiques vénitiennes — comme le registre des juges du .proprio- ou de sources narratives et de gloses systématiquement identifiées – on pense ici au Commentaire de Dante par Jacopo délia Lana — l’auteur de la chronique fournit des informations de première importance sur certains événements de l’histoire vénitienne, et en particulier sur ceux dont il fut, indépendamment de son état, le contemporain ou le témoin, comme la perte de la Dalmatie en 1346 et, plus encore, la guerre contre Gênes des années 1343-1354. En s’attachant presque exclusivement aux fondements et aux manifestations économiques de ces deux conflits, 1 auteur en arrive finalement à éclairer l’un des aspects majeurs du processus de développement et d’affirmation commerciale et politique de Venise dans les dernières années du xiv* siècle.

Pour toutes ces raisons, on ne peut que féliciter l’É. pour une édition qui, grâce à la présence de très nombreuses notes pour l’intelligence du texte et d une bibliographie aussi riche que pertinente, rendra de précieux services aux historiens et aux chercheurs, et ce cn-dehors même du cercle parfois restreint des spécialistes de Venise.

Pascal Vuillemin

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